juillet 14, 2017 · Non classé

Jusqu’en 1870, la France est un pays qui se construit surtout dans son hexagone, elle est en train de fédérer l’idée de nation, de citoyenneté et les frontières de son rayonnement. La question coloniale est certes présente, mais pas omniprésente, malgré la conquête de l’Algérie en 1830, et celle de plusieurs autres territoires, associés notamment sous le Second Empire aux vieilles colonies. Depuis la Révolution de 1789, la France essaie de bâtir ce qu’on pourrait appeler l’identité française. Et puis arrivent la défaite de Sedan (1870) et la nécessité de trouver une nouvelle forme de nationalisme et de grandeur de la France pour les tenants de la IIIe République naissante. Au même moment, presque par un concours de circonstances, c’est l’apogée des empires coloniaux européens, c’est le moment où il y a une forme de concurrence entre la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Angleterre, l’Italie… aux côtés d’autres nations comme le Japon et les États-Unis. La France accélère les principes de colonisation posés à partir de 1830 avec l’Algérie: se bâtir un empire comme réponse à la frustration nationale et à la perte de l’Alsace-Lorraine. Se fabrique alors une forme d’idéal national, de grandeur patriotique qui peut se construire ailleurs, dans les espaces coloniaux. La IIIe République, non sans de vrais débats, va engager une politique coloniale. Mais ce n’est pas parce que vous décrétez que l’idée impériale est une idée nationale et républicaine que cela se fait du jour au lendemain. La Première Guerre mondiale est un déclencheur absolu: c’est la preuve que l’Empire –grâce à ses richesses, mais surtout grâce aux combattants qui peuvent être mobilisés– permet de prendre sa revanche face à l’Allemagne, qu’il peut apporter une puissance économique à la Nation. Cela donne naissance à une nouvelle forme de nationalisme. La victoire de la Grande Guerre donne raison à ceux qui prônaient l’expansion coloniale. À partir de 1920, les Français ont eu la preuve, par l’exemple, par la victoire dans le conflit, que l’Empire était une source de puissance et de gloriole nationale. L’Empire devient le territoire commun des républicains de gauche et de droite, mais aussi des anti-républicains (comme pour L’Action française), sauf les communistes qui vont s’engager dans l’anticolonialisme (notamment pendant la guerre du Rif, au Maroc). Les Français se mettent à penser les colonies comme un tout positif. Il n’y a presque plus débat sur la question, ni à droite ni à gauche. Il n’y a plus d’appréhensions idéologiques de l’Empire au cours de l’entre-deux-guerres, mais les Français ne sont pas encore convaincus de l’intérêt de s’investir et de s’engager dans ces espaces coloniaux «pleins d’avenir», selon les propagandistes du lobby colonial. À l’époque, si vous aviez demandé à un paysan de la Beauce, à un vigneron du Languedoc-Roussillon ou à un éleveur de vaches dans le Cantal ce qu’ils pensaient de l’Empire, ils vous auraient parlé de la concurrence impériale: les blés algériens, le vin du Maroc, les vaches de Madagascar, les arachides du Sénégal, le sucre des Antilles, leur faisaient une concurrence directe. Ceux qui vivaient de l’agriculture ou de l’élevage ne regardaient pas d’un bon œil ces taches roses sur les cartes scolaires. Pour convaincre les indécis, les paysans, pour mobiliser la jeunesse des écoles ou les investisseurs, il y a donc un besoin de propagande: les grandes expositions coloniales –comme celles de Marseille en 1922, de Strasbourg en 1924 ou de Paris en 1931– sont faites pour convaincre les Français que l’Empire est un bienfait pour la Nation. Comme les Semaines coloniales, comme les publications et films soutenus financièrement par l’Agence économique des colonies. Il n’y a pas un romancier, un publiciste, un conférencier, un cinéaste intéressé par les colonies qui n’ait été financé par l’Agence.

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